Education spécialisée, pour une révolte qui ne soit pas pour autant une révolution

Education spécialisée, pour une révolte qui ne soit pas pour autant une révolution

Au commencement, le malaise dans l’éducation spécialisée semblait ne devoir impacter que les professionnels de proximité aux divers publics accueillis au sein de la diversité des établissements ou services spécialisés. Toutefois, et bien qu’étant d’une rare ampleur, ce malaise était d’autant mieux relativisé voire sous-estimé que ces professionnels étaient par ailleurs soupçonnés de ne rien comprendre aux évolutions de leur secteur. Lesquelles évolutions étaient présentées, depuis les plus hautes sphères de la gouvernance, comme étant des conditions à sa « survie ». Aux professionnels alors de comprendre que l’injonction leur était faite de se suicider s’ils ne voulaient pas mourir !

Et cette indifférence aux tourments de « ceux d’en bas » s’imposait d’autant plus facilement qu’il était, tout comme il l’est encore, de tradition de maintenir les professionnels de l’éducation spécialisée dans l’infantile (souvent avec leur complicité, malheureusement) et de considérer leur activité comme ne relevant pas d’un « véritable » métier. Las, le malaise prit une tout autre résonnance dès lors qu’il commença à impacter de plus en plus de cadres intermédiaires ; que ces derniers fussent au contact direct des professionnels de proximité ou directeurs de pôle au sein désormais de grands conglomérats institutionnels. Les uns comme les autres étant acculés à devoir tenir une position intenable entre, d’une part, des directions générales parlant le vocabulaire d’un new management public, et, d’autre part, des équipes employant le vocabulaire de l’humain. Coincés entre deux cultures et deux langues condamnées à ni s’entendre ni se comprendre, les cadres de proximité dans leur fonction de traduction s’épuisent et s’échouent sur l’intolérance propres à ceux qui, dans les deux camps, sont certains d’avoir raison. Ce dialogue de sourd étant entretenu par les forces de démolition à l’œuvre depuis une quarantaine d’années. J’en retiens trois.

« Le faire plus avec moins ! » Surgi dans les années 90, le slogan eu de quoi séduire tous ceux qui, dans un esprit de modernité, voulurent y discerner un appel à une capacité d’adaptation, et donc à une forme d’intelligence et de créativité. D’autant plus que le secteur a été, et reste, considéré comme absorbant un « pognon de dingue ». Rapidement assimilé par les instances représentatives du secteur et les directions générales, le slogan a été aussitôt vendu aux professionnels. C’était à prendre ou à laisser ! Sauf que le « faire plus avec moins » est devenu au fil du temps un « faire toujours plus avec toujours moins ». Au point que le slogan se retourne contre les directions générales qui sont désormais dépossédées de leurs outils de gestion, de la maîtrise de leur budget (les discussions annuelles cédant le pas aux « lettres de cadrage ») et de toute visibilité quant à leur devenir. Les seules issues offertes étant soit de « faire gros » pour, supposément, minimiser les coûts (regroupements, absorptions ou fusions furent alors les maîtres mots d’un politiquement correct), soit de faire des salaires une variable d’ajustement (déqualification, disqualification, sous-rémunération furent, quant à eux, les instruments de langage de « ressources » improprement qualifiées d’humaines). Seconde force de démolition, se retrouvant d’ailleurs à la manœuvre quant à la mise en œuvre de la première force évoquée à l’instant, l’orientation prise par l’Etat de déléguer à des « officines » et autres « agences » la mise en musique de ses politiques publiques. Exit la haute fonction publique et fini le temps des DRASS ou des DDASS, fussent-elles parfois imparfaites ou maladroites. Place désormais aux ARS, Anap, Agence pour les économies d’énergie, etc. (1) Le « pilotage » du secteur, dûment confié à ces agences par la loi, se veut et se fait sourd et aveugle aux spécificités territoriales en vertu de l’unification de la demande et des besoins. Et si de pseudo concertations ont bien encore lieu, elles servent d’alibi à une modélisation des organisations et des pratiques conçues loin des réalités de terrain. Enfin, troisième force de démolition du secteur de l’éducation spécialisée, la déshumanisation de la relation d’aide éducative et de soin. En actant la suppression des « savoir-être » des référentiels métier et formation (à l’heure où tous les autres domaines d’activité ne cessent d’évoquer les « soft skills »), les instances représentatives du secteur n’ont fait rien d’autre que d’acter une vision idéologique portée par l’alliance du libertarisme et du transhumanisme.

« Le faire plus avec moins ! » Surgi dans les années 90, le slogan eu de quoi séduire tous ceux qui, dans un esprit de modernité, voulurent y discerner un appel à une capacité d’adaptation, et donc à une forme d’intelligence et de créativité. D’autant plus que le secteur a été, et reste, considéré comme absorbant un « pognon de dingue ». Rapidement assimilé par les instances représentatives du secteur et les directions générales, le slogan a été aussitôt vendu aux professionnels. C’était à prendre ou à laisser ! Sauf que le « faire plus avec moins » est devenu au fil du temps un « faire toujours plus avec toujours moins ». Au point que le slogan se retourne contre les directions générales qui sont désormais dépossédées de leurs outils de gestion, de la maîtrise de leur budget (les discussions annuelles cédant le pas aux « lettres de cadrage ») et de toute visibilité quant à leur devenir. Les seules issues offertes étant soit de « faire gros » pour, supposément, minimiser les coûts (regroupements, absorptions ou fusions furent alors les maîtres mots d’un politiquement correct), soit de faire des salaires une variable d’ajustement (déqualification, disqualification, sous-rémunération furent, quant à eux, les instruments de langage de « ressources » improprement qualifiées d’humaines). Seconde force de démolition, se retrouvant d’ailleurs à la manœuvre quant à la mise en œuvre de la première force évoquée à l’instant, l’orientation prise par l’Etat de déléguer à des « officines » et autres « agences » la mise en musique de ses politiques publiques. Exit la haute fonction publique et fini le temps des DRASS ou des DDASS, fussent-elles parfois imparfaites ou maladroites. Place désormais aux ARS, Anap, Agence pour les économies d’énergie, etc. (1) Le « pilotage » du secteur, dûment confié à ces agences par la loi, se veut et se fait sourd et aveugle aux spécificités territoriales en vertu de l’unification de la demande et des besoins. Et si de pseudo concertations ont bien encore lieu, elles servent d’alibi à une modélisation des organisations et des pratiques conçues loin des réalités de terrain. Enfin, troisième force de démolition du secteur de l’éducation spécialisée, la déshumanisation de la relation d’aide éducative et de soin. En actant la suppression des « savoir-être » des référentiels métier et formation (à l’heure où tous les autres domaines d’activité ne cessent d’évoquer les « soft skills »), les instances représentatives du secteur n’ont fait rien d’autre que d’acter une vision idéologique portée par l’alliance du libertarisme et du transhumanisme.

(1) « Les agences : une nouvelle gestion publique ? », rapport du Conseil d’Etat, 2012 https://www.conseil-etat.fr/publications-colloques/etudes/les-agences-une-nouvelle-gestion-publique

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