L’éduc moralisateur
Le flic alcoolo et l’éduc moralisateur sont désormais des figures classiques de la littérature. Ainsi lu dans Tango Parano de Hervé Le Corre : « Je suis une criminelle. J’ai franchi un degré de plus dans la marginalité sociale, aurait dit l’éducateur qui s’occupait de moi à Toulouse. Il parlait comme ça, ce con. Des mots plein la gueule pour m’expliquer que j’étais dans la mouise jusqu’aux oreilles. Et puis des idées pour que je me réinsère, je me demande où il allait chercher tout ça : « Reprends des études, qu’il me disait. Pourquoi pas la socio? » c’est vrai ça : les pauvres savent de quoi il retourne, quant on leur parle de misère du monde. Vachement pratique pour les enquêtes. Avec ma belle jeunesse au Mirail, mon bac économique et social, j’avais déjà quelques notions! Je lui ai ri au nez. « Donne-moi des nouvelles de ma gamine au lieu de m’endormir », je lui ai dit… » (p.168).
C’est presqu’une caricature d’éduc que ce professionnel si prolixe en conseils et si avare en écoute des attentes de l’autre. Et pourtant c’est bien souvent sous ces traits qu’apparaît désormais l’éduc dans les romans… une pure machine à sermonner. J’y reviendrai. Pour le reste, et même si parfois le style va bien plus vite que l’intrigue et si la phrase est aussi chargée que les armes fouraillant à tout va, Tango Parano m’a fait penser à du San Antonio par le verbe et par l’histoire. Percuté par un événement traumatique l’ayant envoyé en psychiatrie, le héros semble tout du long à la ramasse et pourtant, au final, il est là, bien présent, et du bon côté. Quant à l’héroïne évoquée ci-dessus, elle s’en sort à la force de ses poignets, au sens littéral du terme, et retrouve la garde de sa gamine… sans l’aide de son éduc. Il y a dans ce polar quelques belles pages sur la folie, ou sur la nudité métaphysique pour reprendre le mot de l’auteur (p.251), qui méritent leur pesant de lecture.
hervé Le Corre, Tango Parano, Les éditions de l’Atelier In8, Pau, 2005