Rapprocher les connaissances des compétences
Le fait est désormais admis que les savoirs se renouvellent plus vite que les générations avec, pour première conséquence, l’incontournable nécessité pour tout enseignant ou formateur de s’inscrire dans une communauté de pairs et de participer à des travaux de recherches et d’actualisation de ses propres connaissances. Ce constat s’impose de pleine évidence dans les domaines scientifiques que sont les mathématiques, la physique, l’astrophysique, la biologie ou tous ces autres champs disciplinaires longtemps considérés comme étant des savoirs vulgaires avant d’être élevés au rang de « sciences dures ». Mais ce même constat d’un renouvellement rapide des connaissances s’impose aussi dans le domaine des sciences humaines et sociales que le qualificatif, pour le coup péjoratif, de « sciences molles » renvoie moins à l’impossibilité de produire des résultats qu’à la difficulté de partager une méthode susceptible de les produire. Cette difficulté est particulièrement saillante dès lors qu’il s’agit d’approcher la formation des futurs professionnels de l’éducation spécialisée pour lesquels les programmes se présentent sous la forme d’un patchwork de divers savoirs disciplinaires librement empruntés aux sciences humaines et sociales. Le dosage dans chaque discipline étant par ailleurs laissé à la libre appréciation de chaque établissement de formation, à l’exception de cet interdit, plus ou moins explicite, frappant désormais l’enseignement de la psychanalyse. Comment ces pratiques hétéroclites et ce composé hétérogène de connaissances peuvent-ils contribuer à l’émergence d’un système cohérent de pensée et d’un champ unifié de compétences propre à fonder un possible métier d’éducateur ? Voilà une question à laquelle se garde bien de répondre tous les acteurs concernés (politiciens, universitaires, responsables institutionnels), sans pour autant se priver d’enchaîner les réformes concernant lesdites formations !
Dans un tel contexte, propice tant au bouillonnement intellectuel qu’au foisonnement émotionnel, les éditions érès, connues et reconnues pour la production d’ouvrages en pointe dans les diverses disciplines des sciences humaines et sociale, ont décidé de créer en leur sein un secteur de formations. A charge pour elles de n’être pas seulement un prestataire supplémentaire sur un marché déjà fort encombré mais de faire rapidement la preuve de l’originalité et de la qualité de son projet. En obtenant l’incontournable labellisation Qualiopi (démarche en cours), mais aussi, et peut-être surtout, en affirmant la volonté et en faisant la preuve d’un possible rapprochement de l’expertise scientifique de l’expertise technique ; d’un possible rapprochement entre les auteurs des ouvrages et les acteurs de terrain. Par-delà les simples constat et regret d’une absence de contact entre les deux partis (laquelle absence de contact génère parfois de sympathiques fantasmes), c’est à une démystification du savoir par une familiarisation avec le livre que s’attèle le projet d’érès. Et il y a urgence ! Car s’il fut longtemps reproché aux éducateurs d’écrire peu ou mal, s’ajoute désormais le constat que ces derniers lisent trop peu ou trop mal. Non seulement la lecture d’un ouvrage, d’une revue ou d’un article de sciences sociales et humaines est perçue comme étant une activité contrainte à ne subir que le temps que dure un processus de formation, mais, de surcroît, pour une majorité d’apprenants et futurs professionnels, cette lecture contrainte se métamorphose en un calcul stratégique ; le livre investi est soit un manuel pour obtenir un diplôme, un domaine de compétence ou accéder à une méthodologie, soit il est la référence où se puisent les citations nécessaire à la validation d’un « devoir ». La lecture complète d’un ouvrage, voire, plus difficile encore, l’accès au sens de sa production dans le parcours d’un auteur et d’une discipline demeurant la préoccupation d’un trop petit nombre d’apprenants. Ce déficit du « aimer lire » autant que du « savoir lire » des travaux de sciences humaines (lequel déficit est le triste symptôme d’une société ayant perdu le sens de ce qui fait l’humain de l’homme) est trop souvent creusé depuis l’école, le collège, le lycée et parfois même l’université, pour espérer être comblé par le seul effort, souvent intense et généreux, des enseignants formateurs. Lesquels, d’ailleurs, en dehors de leur bonne volonté, ne disposent pas toujours du temps et des moyens nécessaires pour une telle ambition.
D’aucuns, avant nous, ont consacré leur vie et leur œuvre au projet de hisser l’art de la relation d’aide éducative et de soin à ce niveau d’exigence théorique qui puisse contribuer à faire de celle-ci une science de l’éducation spécialisée. Jean Cartry fut de ceux-là. De même que Maurice Capul, décédé au cours de cet été à l’âge de 94 ans, et à qui un hommage mérité vient d’être rendu ; l’ouvrage De l’éducation spécialisée, co-écrit avec Michel Lemay, s’est imposé et s’impose encore à tous comme étant une référence. En créant un secteur de formation et en favorisant l’émergence d’une communauté de pairs constituée de sociologues, d’anthropologues, de psychologues, de psychanalystes, de juristes, d’économistes, etc. c’est bien à l’émergence d’une communauté de savoirs théoriques et pratiques que contribuent érès éditions & formations. Au plus grand bénéfice des acteurs professionnels et des personnes qu’ils accompagnent au quotidien.