A quoi bon défendre encore le métier d’éduc spé?

A quoi bon défendre encore le métier d’éduc spé?

Ce mercredi 12 janvier, je serai en présentiel devant les étudiants éducateurs spécialisés de première année de l’IRTS Paca-Corse à Marseille. Mais pour faire quoi ? Pour leur dire quoi ?

Que transmettre d’un métier alors que toute une profession a entériné sans sourciller le fait que, depuis la réforme de 2017, il existe désormais un seul titre d’éduc spé pour deux fonctions : celle d’avant 2017, validant les compétences d’un acteur de proximité dans l’accompagnement des personnes, et celle d’après 2017, actant les compétences d’un gestionnaire de parcours des personnes en situation de vulnérabilité. Qu’ai-je encore à dire à ces étudiants et futurs professionnels dotés d’un diplôme désormais reconnu à un grade de licence, alors que toutes une profession accepte, sans trop de poser de question, que l’accompagnement au quotidien de personnes en situation de handicap, quel que soit la nature de celui-ci, doit être désormais assuré par des professions de moindre qualification ? Il ne s’agit pas d’un mépris de ma part à l’égard de la qualité de ces professionnels (mes écrits témoignent pour moi) mais de l’expression d’un désarroi à constater combien est désormais acquise l’idée selon laquelle n’y a pas besoin d’être diplômé à bac+3 pour accompagner vers le « grandir » ou le « se grandir » les personnes les plus fragiles. Alors que ce sont celles-ci qui ont le plus besoin d’un tel soutien, et que cet accompagnement relève d’un des métiers les plus compliqués qui soient ! Comment, à l’heure où tout un secteur a été poussé à l’abandon de ses valeurs, argumenter encore auprès de ces étudiants et futurs professionnels qu’il ne peut y avoir une relation d’aide éducative et de soin, s’il n’y a pas une rencontre avec un autre que soi reconnu dans ce qui fait à la fois sa ressemblance et sa différence ? Comment soutenir un métier dans ce qui fait sa complexité alors que toute une profession a admis sans sourciller que les « savoir-être » n’avaient plus leur place dans les référentiels métiers et de formation ?

Frédéric, mon ami et mon frère trop tôt disparu dans un accident de moto, m’a jadis appris, aux pires instants de nos traversées à la voile avec des équipages composés de personnes en situation de handicap, comment ne pas renoncer… alors que la peur et les doutes rendaient les manœuvres plus compliquées encore. C’est cet honnête homme, éducateur et skipper à la fois, qui m’a appris à tenir face aux vents mauvais ! Une telle présence me manque dès lors que la perte des moyens financiers et humains ne cesse d’abîmer depuis plus de quatre décennies l’exercice du métier d’éduc spé, et qu’à cette diminution des ressources s’ajoute désormais une perte de sens. Bien sûr que j’irai leur dire, à ces étudiants et d’autres aussi, que si, comme le prétendent maints Politiques, n’importe qui peut « faire éducateur », en revanche tout le monde ne peut pas « être éducateur ».  Je démontrerai une fois encore que « est éducateur » toute personne qui, indépendamment de son titre ou de sa fonction, accède à cette qualité de présence auprès de la personne accompagnée lui permettant de prendre de risque de se déplacer dans son rapport à elle-même et aux autres sans avoir pour autant le sentiment de se mettre en danger. Que seule cette qualité de présence permet à la personne accompagnée de renouer avec une trajectoire de vie qui ne soit pas subie, parce qu’impactée par des événements de nature traumatique, mais choisie, parce qu’étayée par un reste de désir à vivre.  J’expliciterai l’hypothèse selon laquelle la relation d’aide éducative et de soin est une relation d’amour dès lors qu’elle est un dialogue entre le disponible de l’adulte éducateur et le possible de la personne accompagnée. Que ce disponible de l’adulte éducateur tient à sa capacité à voir et à entendre au-delà de ce que la personne accompagnée donne à voir et à entendre par la mise en scène de ses symptômes ! Que le possible, une fois confié, doit être tenu par l’adulte éducateur aussi longtemps que la personne accompagnée n’est pas en capacité de le porter seule !

Bien sûr que je leur dirai tout cela et tant d’autres aspects de ce qui fait l’humain de l’homme appris tout au long d’une trajectoire de vie personnelle et professionnelle. Mais pourquoi faire ? La veille, une majorité d’entre eux sera sans doute allée manifester avec juste raison en faveur d’une reconnaissance statutaire et salariale des métiers du médico-sociale. Mais je doute qu’un tel exercice, légitime en soi, soit suffisant pour capter cette considération sans cesse réclamée et toujours refusée si les acteurs de cette profession ne renoncent pas d’eux-mêmes à une culture de l’autodérision vers laquelle les pousse une certaine représentation d’eux-mêmes. Les éducs ne pourront sortir de l’infantile dans lequel ils sont maintenus par le Politique et ne pourront s’extraire d’un état où leur parole ne peut pas faire autorité parce que frappée d’incapacité, s’ils ne reprennent pas d’eux-mêmes la main sur leur métier. Que pour ce faire, ils cessent d’aliéner leur légitimité à un devoir rendre des comptes et acceptent d’investir pleinement un savoir rendre compte ! Que pour ce faire donc, ils s’attèlent à ce difficile exercice qui consiste à faire jaillir la complexité d’un agir au quotidien de dessous l’apparente banalité des actes posés ! Que pour ce faire enfin, acceptant de laisser de côté une image de « mauvais élèves » à laquelle ils ont fini par s’identifier, ils se dotent des moyens de passer de l’intuition d’une pratique à sa conceptualisation ! C’est sans doute un peu tout cela que j’irai argumenter auprès des étudiants éducs spés de l’IRTS Paca-Corse… Parce que, bien que souvent traité au pire de dinosaure et au mieux de Don Quichotte, par-delà le souci de la survie d’un métier c’est bien l’avenir de l’humanité qui me fait arpenter encore et encore les chemins de l’éducation spécialisée.  

25 Replies to “A quoi bon défendre encore le métier d’éduc spé?”

  1. Avec mon expérience, si je devais repasser un diplôme aujourd’hui je choisierai ME plutôt d’educ spé, ce qui m’a attiré dans le métier d’educ c’est le contact avec l’autre, c’est le partage des merdes et des bonheurs. Je n’aurai jamais voulu devenir un sous chef de service comme on commence à les voir arriver aujourd’hui.

    1. Un grand merci pour votre témoignage qui corrobore ceux recueillis durant mes fonctions de direction d’institut de formation et le choix fait par de nombreux candidats d’opter pour la filière ME alors qu’ils étaient en capacité d’accéder à la filière ES. Tous faisaient le choix d’exercer un métier de proximité auprès des personnes accompagnées plutôt que de souscrire à des fonctions, peu claires, de coordinateur de parcours. Ce que vous appelez, avec une part de vraie, un « sous-chef de service ».

    2. Je te rejoins sur ton constat. En effet, étant moniteur éducateur depuis 1994, je ne regrette pas d’être vraiment dans la proximité de la relation avec les adolescents que j’accompagne.
      J’aime mon travail, qui en premier est de créer une relation (ça n’est pas derrière un ordinateur que cela se fait !) pour ensuite élaborer un « projet  » ensemble. Être référent d’une personne, et parfois ne jamais avoir d’accompagnement avec, n’a aucun sens. Maintenant, on aurait tendance à passer beaucoup de temps à de l’administratif et à être souvent confronté à de nouvelles procédures sans avoir été au bout des précédentes…
      Pour conclure, initialement et d’après les référentiels ME et ES , les missions mais aussi les contenus théoriques sont différents voire moins approfondis. Maintenant, la grosse différence, et qui reste importante, c’est la rémunération. En fin de carrière c’est 600 € de moins pour une fonction similaire, sauf peut-être et encore l’élaboration de projets.
      Aujourd’hui, les moniteurs éducateurs en formation, ont fait aussi ce choix pour des raisons de durée de financement mais aussi peut-être, car se sont des postes qui sont de plus en plus proposés.
      En fait, je suis content d’être ME …sauf pour le salaire et parfois peut-être un manque de reconnaissance, mais ça je sais gérer sans problème 😁

  2. Et poursuivre avec les étudiants un débat à propos de leur hypothèse sur les raisons de la situation actuelle. Que comprennent -ils des formes de la question sociale aujourd’hui .

    1. Que ce soit dans le cadre des formations menées au sein de érès formations ou des rencontres dans le cadre de mes interventions au sein des instituts de formation, beaucoup de paroles recueillies vient dire le désarroi d’étudiants confrontés aux nouvelles orientations du métier d’ES, la définition et le cadre du diplômes, les modes de sélection tant que les contenus de formation. Nous ne pouvons pas ignorer qu’ils subissent plus un système qu’ils ne l’ont désiré. Si la profession s’interroge quant aux causes d’une perte d’attractivité des métiers et de pénuries graves concernant le recrutement de professionnels diplômés et désireux d’exercer un métier de proximité alors il faut que toute la profession réinterroge le sens des orientations prises depuis près de vingt ans, la finalité des réformes successives concernant autant l’architecture des diplômes que leurs contenus.

  3. Merci 1000 fois ce texte, pour vos mots. Je suis jeune formateur d’éducateurs trices spécialisé.es. J’ai moi même fait ce métier pendant 12 petites années. Je suis scié de constater comment les dimensions réflexive et de savoir être sont malmenées, mises de côté, ignorées par les acteurs.trices de terrains et leurs supérieur.es hiérarchiques. Je suis alarmé face à la dégradation des conditions de travail, mais aussi des valeurs mobilisées dans la relation par les educ’, et encore aussi par la relégation des aspects les plus complexes (faire relation, être dans l’éducatif) sont reléguées à des métiers de moindre formation.
    Je ne suis déjà plus certain de connaître le métier que mes étudiant.es vont pratiquer, alors que je ne suis pas si vieil educateur.
    Alors merci pour vos mots. Malgré tout, ils me redonnent de l’élan.

    1. L’état de démolition des métiers de l’éducation spécialisée me laisse pantois et me plonge d’autant plus dans le désarroi que, par mes engagements et mes écrits, j’ai tenté, mais en vain, sinon d’empêcher du moins d’atténuer les dommages causés à toute une profession. Aujourd’hui, le doute vient d’autant plus fragiliser ma volonté de poursuivre le combat que beaucoup des dirigeants en poste dans le champ de l’éducation spécialisée et du travail social, jusqu’aux plus hautes instances représentatives de notre secteur, estime que « je », que nous faisons partie d’une espèce de dinosaures appelée à disparaître et que notre résistance tient à notre incapacité de comprendre ce vers quoi doit aller ce qui se nomme désormais « l’intervention sociale ».

  4. Magnifique déclaration à laquelle j’adhère bien sûr, du haut de mes 60 ans et plus de 40 ans de pratique. Je tâche au mieux de faire passer moi aussi ce message de recherche de sens chez les générations futures, mais elles n’en donnent que peu de crédit. Le coeur du travail se fonde bien sur la pratique, ses avancées, ses échecs, ses persistances… Adepte de la psychothérapie institutionnelle, on mesure combien, aujourd’hui, bien des professionnels l’ont oubliée ou jamais rencontrée. Bon courage à vous, je vous soutiens pleinement, mais de chez moi car je suis ancien cadre éducatif en préretraite après un burn out…

  5. Mr Gaberan, merci pour ce texte qui fai grande résonnance en moi.
    j’ai 41 ans, je suis éducateur spécialisé depuis presque cinq ans,et je constate également cette perte de recherche de sens au sein des équipes avec lesquelles j’ai pu travaillées. Toutes formations et fonctions confondues, jeunes professionnels ou avec plus d’expériences, je suis toujours frappé par cette perte d’envie de vouloir mettre en travail le rapport en la nature première des métiers du social. De mon point de vue , l’intuition d’une mise en mouvement professionnelle investie dans la dimension relationnelle manque et me manque beaucoup. Tout cet aspect relationnel que j’ai pu vivre, ressentir et théoriser ne me vient pas de l’éducation spécialisée, mais de plus de quinze années en tant qu’animateur socioculturel. Je me suis engagé dans des associations culturels , en pédagogie, et j’ai eu je crois également la chance d’avoir été formé par des personnes, qui de par ce qu’ils étaient et sont, m’ont transmis cet volonté de vouloir conserver fermement la relation comme un principe radical, auquel on ne touche pas, peu importe la fonction, le poste, les compétences et les personnes que vous avez en face de vous. Vous l’avez évoqué, il est indispensable de regarder du côté de la formation et des réformes successives en matière de politiques sociales. Je reconnais tout à fait que les générations d’aujourd’hui, mais aussi d’hier, portent une responsabilité quant au constat morose que vous dressez. Vous débutez votre texte par ce que vous allez dire aux étudiants éducateurs. Et qu’allez vous dire aux responsables de formations, aux formateurs et aux instituts de formations?
    Amicalement,
    Thomas

  6. Bonjour Mr Gabéran,
    Avec tout mon respect, je vous transmets ma déception concernant votre post de ce 10 janvier 2022.
    Éducateur spécialisé depuis 1995 et formateur en IRTS depuis 2004, je continue à lire, à apprécier, à partagé aussi, vos différents ouvrages, avec étudiants et collègues du travail social. Je m’en saisi encore pour illustrer et étayer ma pensée, ma manière d’être, ma qualité de présence, mes actes, mes arguments, ceci quelles que soient mes fonctions (celle de père de 3 enfants aussi). Fort heureusement, je complète mes lectures et vos mantras, vos conceptions philosophiques avec les apports en sociologie, psychologie sociale, socio des organisations, sciences cognitives, la psychologie positive, l’approche systémique… Bref, ce qui alimente certainement une vision moins pessimiste que celle vous décrivez parfois.
    Dans vos lignes en effet, ces derniers temps, je lis plus fortement votre pessimisme, peut être une tristesse voire une colère nostalgique des années passées. Au-delà de la réalité des moyens financiers et de la dégradation des moyens d’accompagnements qui se dégradent dans CERTAINS établissements -dont les choix organisationnels et les répartitions budgétaires appartiennent à leurs dirigeants et directions, je tiens à vous dire que je suis déçu par votre compréhension du référentiel métier des ES. Vous n’invitez même pas au débat ; vous opposez 2 caricatures : 1) les éduc’ étaient jusque-là formé.e.s pour réfléchir et agir principalement lors des temps de « vie quotidienne » // 2) les éduc’ « d’aujourd’hui ne seraient plus à proximité des personnes vulnérables et deviennent des « gestionnaires » de parcours, ceci en délaissant la « proximité » à des métiers moins qualifiées !?
    Comme vous le savez, les éduc’ ont toujours été désigné.e.s « référents », et depuis peu se généralise « coordinateurs », pour une centralisation et coordination justement, des éléments d’observations/évaluations d’une équipe pluridisciplinaire. Ce qui a évolué avec le temps, entre autres, c’est que les secteurs médico social et de la protection de l’enfance se sont ouverts progressivement sur leur(s) territoire(s), et que les accompagnements sont dès lors à coordonner avec d’autres équipes, des prestataires, des partenaires… du « monde extérieur » ; réjouissons-nous !! Réjouissons-nous qu’un.e professionnel.le -l’éduc’ en particulier- soit repéré.e par les personnes accompagnées et les professionnel.le.s en interne comme en externe, sans que soit pour autant dévalorisé.e.s ses autres collègues-intervenant.e.s.

    Plutôt que d’opposer les caricatures tenaces des « éduc’ d’avant » et « les éduc’ soit disant gestionnaires, relevons les fonctions, activités et responsabilités prévues pour le métier d’éduc depuis des décennies, et invitons celles et ceux qui n’investissaient pas vraiment le « monde extérieur à une institution », à le faire, avec optimisme.
    Réjouissons-nous en effet que toutes les institutions de tous secteurs soient ouvertes sur la nécessaire coordination des différents intervenants sur un ou plusieurs territoires de vies, possibles POUR les personnes vulnérables. La place des éduc’ est tout autant attendue sur les territoires qu’à l’intérieur de foyers de vie quotidienne. Toutes les institutions sont invitées à ne plus être des bulles protectrices d’un monde soi-disant hostile et oppressant ; réjouissons-nous de cette ouverture et nécessaire coordination entre les mondes !! Les éduc’ sont invité.e.s à savoir travailler comme cela se fait depuis des décennies en « milieu ouvert », en prévention spécialisée, en SESSAD, en équipes mobiles… : à savoir dans la cité, avec les associations locales, les animateurs des centres sociaux, centres de loisirs, les profs des écoles, les artistes, les élus locaux, les médecins… qui vont devoir se transformer et s’adapter eux aussi ; réjouissons-nous ! Le.la boulangèr.e du coin est déjà sollicité.e par les équipes de « l’emploi accompagné » pour le « petit Kévin » accompagné par « son » éduc’ (ok moi aussi je caricature, mais seulement un prénom) – Nous pourrions même travailler avec le charpentier qui fabrique peut être les voiliers que vous rêvez de retrouver Mr Gabéran… réjouissons nous !
    Très respectueusement,
    David Guergo

  7. PS : vous relèverez 1 faute d’orthographe à la troisième ligne : à partager (plutôt qu’à partagé) 🙂
    merci de la corriger,
    Bien à vous,
    Bien à vous,

  8. Merci pour ce texte auquel je souscris totalement. Après 11 ans d’accueil d’urgence et 20 ans d’AEMO… deux madrées et un doctorat en sciences de l’education… des heures à former des CPE , Instituteurs spécialisés et travailleurs sociaux de toute formation … j’ai perdu pied face au non sens et suis épuisée de me battre face aux nouveaux petits managers entrepreneurs gestionnaires qui veulent mettre de l’ordre … pourquoi pas si cela ne se faisait pas au détriment de tout ce qui a toujours fait sens pour nous et surtout si ces «rénovations » n’avaient pas principalement pour objectif de protéger les responsabilités de ceux qui ne sont pas sur le terrain et donner des billes aux politiques pour se vanter d’interventions qui n’ont d’interventions presque que le nom… bon, je sais le burn out ne rend pas positif !!!

  9. Article très pertinent et très juste qui résonne en nous quand on a exercé plus de 25 ans ce métier, même en tant que moniteur éducateur confronté au quotidien à toutes ces politiques sociales détournant au passage différentes notions et actions propres à notre travail du quotidien, Les institutions souffrent actuellement et de plus en plus, les 1 er affectés sont les résidents, les équipes..; , » résultats de cette politique malmenant au quotidien la personne accompagnee et les équipes qui essayent comme ils peuvent de pallier à tout…: Arrêts de travail répétés, burn out, hospitalisations croissantes des personnes suivies, mal être constants…..demissions tous services confondus.

  10. Merci de mettre des mots pour répondre à cette question qui me hante parfois tellement j’suis désemparée par la situation actuelle.
    J’ai arrêté le travail en structure car j’allais y laisser ma santé mentale après 8 ans d’expériences et je me suis dit que j’allais accompagner différemment, en libéral et en faisant de la « vulgarisation ».
    Une de vos phrases m’a interpellé : « Que pour ce faire enfin, acceptant de laisser de côté une image de « mauvais élèves » à laquelle ils ont fini par s’identifier, ils se dotent des moyens de passer de l’intuition d’une pratique à sa conceptualisation ! »
    Que c’est duur, en tout cas pour moi, de faire ma place hors des sentiers battus, de reconnaitre la valeur de mon/notre savoir, de le transmettre et de pouvoir vivre de celui-ci.
    J’espère que nous allons trouver un moyen de nous réinventer. Belle année à vous

  11. Bonjour,

    La réalité est que les législations successives ont bouleversé le cadre du social et du médico-social, parfois dans l’intérêt de l’usager (loi de 2005), souvent dans un intérêt gestionnaire.
    Faire monter un éducateur spécialisé aux responsabilité de « chef d’équipe », « coordinateur » (ou de case manager, comme je le lis parfois) pour 200,00 € de plus par moi, et refiler le boulot à des équipes moins diplômées – donc moins bien payées (mais pas forcément moins compétentes, ni plus !) – est une stratégie de gestion financière et budgétaire. Ou comment faire plus, ou peut-être juste le même travail, avec moins.
    Enfin, il me semble que l’on ne devrait pas basculer dans le tout inclusif, tout comme il serait bienvenu de sortir du tout institutionnel. Espérons que la conférence des métiers saura définir les besoins des usagers afin d’adapter les formations des métiers de l’éducation spécialisé (ou inclusive) en rapport, sans faire de généralité.

  12. Adresser un sourire, un clin d’œil, prendre le temps de rester pour échanger avec l’humain (et non pas l’usager…) qui est en face de nous alors que notre journée est « terminée ». Déroger à un cadre parce que « oui c’est l’heure du coucher » mais la personne qui vous fait face a besoin que vous soyez là…avec lui, encore un instant. Apprendre de la personne qui se trouve face à vous, oublier la relation éducateur-éduqué pour laisser la place à une relation d’Être Humain à Être Humain. Féliciter un/e jeune parce qu’il/elle aura obtenu un 8 sur 20 en lieu et place du 5 « habituel ». Prendre soin d’eux, et les aimer.
    Aimer son métier, arrêter de vouloir gravir sans cesse les échelons… Non je n’ai pas besoin d’être cadre pour faire carrière. Je suis à leurs côtés depuis 12 ans maintenant, je suis à côté d’eux sur les sentiers de la vie, je partage leurs joies, leurs tristesses, leurs échecs, leurs réussites, mais je suis toujours à côté, pas devant, ni derrière mais bien à côté. Je suis fier de ce métier. C’est notre travail mais c’est leurs vies.

  13. Merci pour ce texte éducatrice spécialisée depuis 1993, sur la fin coordonnatrice je ne me retrouvais plus…la proximité de l’Autre me manquait, à quoi je servais? Le hasard, ma bonne étoile peut-être, a fait que durant mes congés d’été, il m’a été donné l’opportunité de prendre un poste de coordo formatrice pour un GRETA , filière AES et j’interviens aussi auprès de ME en formation…que du bonheur pour moi et mon credo , leur faire passer ce bonheur d’être dans la relation, d’être là, présent à celui ou celle qui a besoin d’une aide pour avancer. je suis e CDD, moins payée mais réconciliée avec moi-même

  14. Mr Philippe Gaberan. Vous avez largement contribué à la construction de mon identité professionnelle. Vos différents ouvrages m’ont transmis un sens aigu du métier; une réelle professionnalisation. Ce travail sur la relation éducative m’a enormément apporté.
    Et effectivement, le savoir être est aussi pour moi une composante très importante du métier d’éducateur spécialisé, (mais pas juste par principe ou par bienveillance), mais parce que celà fait sens dans l’accompagnement.
    Je pense que pour transmettre et pour permettre aux personnes accompagnées d’être dans une dynamique d’évolution, il est nécessaire de se poser et de réflechir sur le sens de nos positionnements et de nos actions. Et je constate malheureusement que cette réflexion se fait de plus en plus rare. On nous demande de moins en moins d’être dans la recherche de sens. Ce qui est pourtant le coeur de notre métier. Educateur spécialisé est un métier fabuleux qui peut apporter, si celui ci est bien pensé, ( comme vous en avez explicité le sens dans vos ourages ) un réel impact constructif sur les individus. Je refuse à penser malgrès mes doutes parfois que votre conception du métier est appelée à disparaitre. Mais je constate que j’ai juste 45 ans. Ca fait juste 12 ans que je pratique ce métier et je me sens parfois déjà appartenir à un autre monde. ( J’en suis pas fier). Mais je sais que mon positionnement, ma reflexion et mon désir d’apporter ma pierre à l’édifice est nécessaire. Il est clair qu’un sentiment de solitude peut survenir parfois. Educateur spécialisé est un métier qu’il faut élever et non pas rabaisser. Ce métier est riche de sens. Il faut le défendre. Moi, perso, ce qu’il me plait dans ce métier, c’est la recherche de sens afin d’être le plus efficace possible auprès des personnes. c’est mon boost, ma vitamine. J’en ai besoin. Ne me l’enlevez pas svp
    Merci à vous tous.

    1. Merci, c’est gentil… le but de ce site est de palier les difficultés et les obstacles à la rencontre en présentiels, et de mettre à disposition du plus grand nombre d’élèves et d’étudiants des réflexions et des travaux de recherche sur ce que veut dire « être éducateur » dans le monde contemporain. Bonne continuation à vous. Cordialement.

  15. M. Gaberan
    Vous avez très bien fait État des raisons qui m’ont poussé à quitter ce métier d’éducateur spécialisé. Un métier Impossible que j’ai fait le choix de faire bénévolement dans rémunération. Je suis actuellement assistante parentale, càd nounou, pour aller vers la petite enfance car je pense qu’il y un manque criant de garde pour les enfants de familles en difficulté souvent monoparentales.
    J’inviterai les éducateurs spécialisés à investir cet espace car malheureusement, le système dominant aujourd’hui est toujours le même, il est capitaliste, et c’est dans cet espace que les éducateurs d’éducation nouvelle devrait s’intéresser, en tout les cas pour ma part, c’est le meilleur choix que j’ai faire après mes différentes expériences précaires d’educ spé.
    Je vous remercie pour votre perspicacité et votre travail d’analyse sur notre métier qui est devenu ce que le métier d’éducateur doit servire, le flicage social et bien sûr maintenir l’ordre établie qui en faite un véritable une jungle organiser pour que celle les plus forts ( ou les plus ) gagnent.
    Merci encore

    1. Vous excuserez le temps mis pour aller visiter votre site et valider votre message, mais ces deux derniers mois j’ai eu un agenda extrêmement chargé. Quarante années de destruction systématique des métiers de l’humain (le soin, l’éducation, la solidarité) conduisent à un tel état de délabrement des services et de découragement des équipes qu’il va falloir beaucoup d’énergie et de courage pour reconstruire une éducation spécialisée à la hauteur des valeurs qui sont les siennes : celles d’un humanisme sans complaisance, c’est-à-dire critique à l’égard des capacités de l’homme à produire le meilleure comme le pire.

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