Tout bouge et rien ne bouge… dans les métiers de l’humain
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Morat est une très jolie petite ville lovée au bord du lac du même nom, à la frontière de la Suisse alémanique et de la Suisse romane. Assis à table et confortablement assis face aux eaux calmes, Michel Hugli, collègue éducateur et écrivain, me conte l’histoire de la victoire le 22 juin 1476 des confédérés suisses, alliés de Louix XI, sur les troupes de Charles Le Téméraire, et l’occasion ainsi perdue par ce canton d’être plus tard rattaché au duché de Piémont-Savoie. Ainsi, et à l’image des nombreuses villes chargées d’histoire, celle de Morat conservent les traces de son château et de ses remparts. Ces vestiges confortent l’idée communément partagée selon laquelle le danger viendrait toujours du dehors alors qu’il est très souvent lové en dedans. Or, je ne suis pas loin de croire que la menace pesant sur l’identité et l’avenir des métiers de l’humain ne vient pas seulement de l’extérieur, d’un politique supposé assujetti aux règles de l’économie de marché, mais aussi et surtout de l’intérieur, de la difficulté des professionnels à penser leur métier. C’est en ce sens que, à l’occasion des journées d’étude organisées par Integras, j’ai choisi de décliner mon intervention sur le thème « tout bouge et rien ne bouge en éducation sociale et pédagogie spécialisée ». Rien ne bouge du côté de ce qui fait l’essence des métiers de l’éducation spécialisée et du travail social alors que tout bouge du côté de ce qui fait les circonstances de leur mise en œuvre. En clair, rien ne change quant au sens mais tout bouge quant aux pratiques. Et c’est bien cette tension de l’un à l’autre que les professionnels doivent être en mesure de tenir. En cette époque de « crise », laquelle n’est pas une crise économique mais bien l’une de ces crise dans la culture rencontrée par les sociétés à chaque fois qu’elles sont confrontées à une évolution technologique majeure (les peintures rupestres, la roue, le numérique…), il appartient aux acteurs de l’éducation spécialisée et du travail social de savoir raison garder, de savoir dissocier ce qui fait bruit sur les réseaux sociaux de ce qui fait sens dans les textes, de savoir rendre visible et lisible la complexité d’une présence au quotidien auprès des personnes accompagnées, et enfin de savoir consolider leurs professions par un haut niveau de connaissances acquises afin de mieux asseoir leurs métiers. Ainsi, une identité, à la fois même et autre, émerge dans ce balancement entre profession et métier, entre » ce tout et ce rien qui ne bougent« .