Le mal d’aimer

Le mal d’aimer

Les grands soutiens du monde, Bartholdi, 1902

Il fallait Oser le verbe aimer en éducation spécialisée… Et je ne regrette pas de l’avoir fait même si, désormais, soutenir la controverse exige de gagner la bataille des mots et  des idées. « Le livre est compliqué… » m’a confié le directeur d’un établissement, lequel a été aussitôt démenti par une collègue, directrice elle aussi, s’invitant du même coup dans la discussion. Ils ont pareillement raison tous les deux ; le démarrage du livre est laborieux qui fait de l’actualisation et de l’élargissement des droits de l’homme le point d’ancrage du changement de paradigme à l’œuvre dans le champ des politiques sociales. Car « oser le verbe aimer » c’est sortir des seules déclarations d’intention, s’extraire des chartes et autres préambules pour saisir à bras le corps et dans la réalité du quotidien le fait que, d’une part, la protection des plus vulnérables est bien le socle constitutif d’une Nation, et que, d’autre part, tout engagement éducatif est un renoncement à la force au profit du droit. Il est vrai que l’abus du verbe aimer a couvert moult violences et maints crimes ; les mythes, les contes et les légendes bruissent de tous les excès commis en son nom. Est-ce une raison suffisante pour le disqualifier à jamais et interdire son usage dans le champ professionnel de l’éducation spécialisée ? Je dis et j’explique dans le livre que « aimer trop » ou « aimer pas assez » n’est déjà plus « aimer » ! Et si les discours psy ont raison d’avertir des risques de confusion ou de projection alors il faut y voir une raison supplémentaire pour non pas abandonner le verbe « aimer » mais pour faire du « savoir-aimer » une compétence tant professionnelle que parentale. Parce que nous sommes là au cœur de ce que « éduquer » veut dire ; à savoir, apporter à un autre que soi-même l’aide nécessaire pour que ce dernier trouve un sens à sa présence au monde et les ressources nécessaires afin de tracer sa propre trajectoire de vie. C’est un acte par lequel une personne, l’adulte éducateur, confronté à la vulnérabilité d’une autre, la personne accompagnée, renonce volontairement à tout abus de position dominante pour la laisser advenir à son être propre. C’est en cela que « éduquer » diffère de « fabriquer », de « dresser », de « conditionner », de « répliquer », etc. Autant de mots rendus d’actualité par l’illusion des temps modernes qu’illustre parfaitement le Frankenstein de Mary Shelley. La relation d’aide éducative et de soin est une relation d’amour lorsqu’elle est un dialogue entre le disponible de l’adulte et le possible d’un gamin. Chacun de ces termes est à reprendre ; pour cela, je renvoie à l’Intervention prononcée à Lyon lors de l’anniversaire des 10 ans de la fondation AJD Maurice Gounon. Laquelle peut être, pour ceux qui le souhaitent, une possible introduction au livre.

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